Vingt ans après, Lio dénonce le patriarcat qui tue les femmes
Inoubliable, indomptable, la colère de Lio gronde toujours. En ce premier août 2003, l’horreur frappe de plein fouet son amie Marie Trintignant, victime des violences meurtrières de son compagnon Bertrand Cantat à Vilnius. Dénonçant déjà à l’époque les « crimes passionnels » véhiculés par les médias, la chanteuse affirme aujourd’hui que l’injustice persiste concernant les violences faites aux femmes. Dans un entretien cinglant accordé à Libération, elle affiche sa révolte contre un patriarcat étouffant qui « tue la moitié de l’humanité. »
La culpabilisation comme arme du patriarcat
Dans ce long entretien sans détours, Lio ne mâche pas ses mots et dévoile les coulisses d’une époque où sa propre souffrance, ainsi que celle de Marie Trintignant, furent minimisées voire niées. Elle se souvient : « On a prétendu que Marie était hystérique, qu’elle avait bu et qu’elle avait poussé Cantat dans ses retranchements par des jalousies incessantes. Je vomis cette idée pourrie du patriarcat rance qui justifie tous les meurtres infligés aux femmes ». Isolée et méprisée à cette époque sombre, l’interprète de Banana Split raconte comment certains sont allés jusqu’à insinuer qu’elle cherchait à profiter financièrement du drame. Elle se souvient également des propos abjects qui la comparaient à une « hyène de service » et insinuaient que ses déboires étaient mérités.
Marie Trintignant, instrumentalisée par son bourreau
Évoquant un aspect tragique encore méconnu, Lio révèle que Marie Trintignant, en proie à l’oppression psychologique, finit par s’accuser elle-même des violences qu’elle subissait. « Elle se sentait oppressée mais pensait que tout était de sa faute, qu’elle avait poussé Cantat à bout. Je suis convaincue que c’est ce qu’il lui mettait en tête ». Un témoignage glaçant qui pointe du doigt la machination infernale mise en place par Bertrand Cantat pour anéantir toute confiance et estime de soi chez sa victime.
Huit ans de prison pour une vie brisée
Le verdict tombe en 2004 : Bertrand Cantat est condamné à huit longues années de prison par la justice lituanienne pour « meurtre commis en cas d’intention indirecte indéterminée ». Quelques mois plus tard, il est transféré dans une prison française puis libéré conditionnellement en 2007. Depuis 2010, il échappe à tout contrôle judiciaire et a donc « purge sa peine ». Une situation insoutenable pour Lio qui dénonce avec véhémence cette injustice flagrante : « Quatre ans de prison, voilà le prix d’une vie de femme ? »
Sous le regard implacable de Lio, il est impossible de fermer les yeux sur ces vérités qui dérangent. Vingt ans après, la voix de la chanteuse se fait plus puissante que jamais, réveillant les consciences d’un patriarcat toujours présent et destructeur.